Son histoire personnelle
Son histoire personnelle
« Le 17 décembre 1954, une comète venue de l’Est laisse ses traces brillantes sur le ciel français. Elle s’appelle Christine Arnothy. » dit l’homme qui sera un jour son mari*.
Elle gagne le Grand Prix Vérité du Parisien Libéré pour son manuscrit qui relate la fin de la deuxième guerre mondiale. L’ultime étape est le siège de Budapest où Russes et Allemands s’affrontent.
Christine, trouvant refuge, avec ses parents, dans les caves de l’immeuble où ils habitent, elle décrit les événements quotidiens, elle travaille sur une caisse éclairée à la lumière des bougies. Son père venant de la cave voisine lui dit : « N’abime pas tes beaux yeux, personne ne lira ce texte. »
Grâce à l’authenticité de ce récit et de la chance, en une année, ce journal de guerre devient un succès mondial et, avec toutes ses traductions, atteindra environ 10 millions d’exemplaires.
*Citation de Claude Bellanger lors de la remise du Grand Prix Vérité le 17 décembre 1954.
La guerre à Noël en 1944
L’habituelle fête de Noël se prépare pendant des semaines. Des instants que Christine adore : l’image de sa mère décorant un arbre dans le grand salon, à proximité du piano. Il lui est interdit d’entrer dans cette pièce. Et c’est juste le vingt-quatre décembre, vers dix-sept heures, que la petite sonnette donne l’autorisation d’entrer dans la grande pièce, et un miraculeux conte de fée prend place devant ses yeux : voir l’arbre décoré, illuminé, les bougies qui flambent, et des jouets. Toutes ces poupées, crédules et incrédules, observant à la dérobée la petite fille qui sait qu’elles sont en porcelaine, mais elle leur prête une histoire. Bientôt cette poupée grandit, abreuvée de littérature. Quand elle a 10 ans, elle apprend par cœur, avec l’aide de son père, les dialogues d’Eurydice d’Anouilh.
Vingt-deux ans plus tard, elle regarde les livres sur les quais de la Seine, chez les bouquinistes.
Album de famille
Père propriétaire terrien et professeur de latin et grec, mère polonaise, juive et autrichienne lui enseigne comme première langue le français. Christine est une petite fille pensive. Curieuse, aussi. Lorsqu’elle s’échappe de la grande maison blancheentourée dechamps de blé, leur maison de campagne, parfois, elle se perd. Si blonde et si petite qu’on la cherche partout. Et elle, à l’abri, regarde les lapins et les lézards qui passent.
Plus grande, elle a un intérêt passionné pour les chats et les chiens. Sa mère lui un offre un chien : un Puli hongrois. Elle l’appelle « Grillon ».
À Budapest, dans leur appartement. Des centaines de mètres carrés, les bibliothèques frôlent le plafond haut. Elle, de sa petite personne, n’arrive qu’à la deuxième rangée. Elle prend les livres, les ouvre, les regarde, elle les remet et sait déjà peut-être instinctivement que sa vie, cela va être cela : des livres et des animaux. Sa mère fait de vagues tentatives pour l’initier au piano car, musicienne dans l’âme elle joue admirablement. Christine la regarde, et l’ennui monte en elle, d’une telle manière qu’elle s’endort presque près du piano.
Elle, Christine, regarde le monde en feu et en flammes et lorsque l’on tremble sous les bombardements, lorsqu’on ne voit que des chars d’assaut et des militaires, on est heureux de comprendre qu’il y a une famille, pour la défendre.
Christine raconte : « Je connaissais l’amour de mes parents, celui protecteur et parfois embêtant de mes deux grands frères : Alain et André. Je me suis demandée vingt ans plus tard si j’étais venue au monde grâce à l’amour brûlant de mes parents ou à cause d’une éventuelle maladresse. Je sais maintenant que c’était l’amour. Grâce à la discipline imposée par ma mère, j’étais élevée dans la langue française.
Les débuts de l’écriture à la lumière
vacillante des bougies…
« C’est à la veille d’une fête de Noël que père a annoncé qu’il faut descendre dans la cave de l’immeuble ou nous habitions juste pour quelques jours, le temps que les bombardements qui martèlent la ville, cessent. »
La deuxième vie de Christine commence.
Avec des cahiers d’école, des crayons, des bougies, elle commence à écrire et à décrire les gens qui l’entourent. Écrire ? Elle a fait déjà des tentatives en cachette. Oui, déjà elle avait décrit l’amour d’un de ses oncles, celui qui vivait avec sa femme, sur une colline dominant Budapest, dans un univers de livres et de géraniums. Il était quatre heures passées quant elle entra chez son oncle qui ne répondait plus. Il était mort, avec une édition anglaise de Shakespeare sur la poitrine. C’était la première rencontre de Christine avec la mort.
Adolescente lors de la seconde guerre mondiale, dans le feu et le sang, ARNOTHY décrit les événements.
Une nuit, les Allemands font sauter les magnifiques ponts de la ville (1945).
La déflagration rend sourds tous ceux qui habitent dans ces immeubles, déjà à moitié en ruines.
Le deuxième jour, Christine s’approche de la porte cochère et regarde, comme dans un film muet, l’arrivée des soldats russes dans la capitale. Ils sont élégants, mais leurs pas sont inaudibles. Parfois, ils font un écart pour contourner un cadavre, souvent allemand.
Un éditeur hollandais Ad. Dunker était parmi les premiers à faire traduire le texte. Cinquante ans plus tard, son fils qui a hérité de la maison d’édition continue la tradition en publiant, en premier, comme son père « J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir ».
Après le siège, vient le temps des servitudes, penser à fuir la ville…
Quelques années plus tard, toujours sous l’occupation russe, la famille franchit clandestinement la frontière austro-hongroise.
Elle passe par un camp pour réfugiés à Innsbruck (Autriche).
Puis la Belgique l’accueille. Christine apprend d’un ami belge, qu’un journal français promet un prix à un texte qui relate un événement de la guerre. Elle a son précieux manuscrit : « J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir ».
Elle envoie les pages laborieusement tapées sur une vieille Remington. Elle est avertie par une lettre express qu’elle a gagné le prix :
Avec l’aide d’un sénateur belge, et toujours sans papiers car elle est réfugiée, elle franchit la frontière pour venir chercher son prix à Paris.
Le jour de la remise du Grand Prix Vérité
Cette photographie a été prise le jour où Christine reçoit le Grand Prix Vérité décerné par le quotidien « Le Parisien Libéré ».
Comme une extraterrestre tombée d’une planète à peine connue, elle contemple la presse française autour d’elle. Elle croit rêver, puis elle cherche un regard qui ne la quitte pas. Reçue par le « tout Paris » elle est entourée de journaliste et de photographes, et du regard…
Georges Duhamel de l’Académie française énumère les qualités d’écriture de « J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir ».
Derrière elle, Claude Bellanger. C’est son regard qu’elle a senti dès son arrivée.
Claude Bellanger, Président de la FIEJ (Fédération Internationale des Editeurs de Journaux) Président Directeur général du Parisien Libéré.
« L’homme de ma vie », dit Christine Arnothy « Je le savais dès le premier moment de notre rencontre, le 17 décembre 1954… »
Le regard qu’elle avait senti sur elle, était celui de Claude Bellanger, le fondateur et directeur général du Parisien Libéré. Le divorce de Claude Bellanger a duré dix ans. Il a réussit à se libérer grâce à l’avocate Maître Suzanne Blum. En Cour de Cassation, la procédure était piégée de tous les côtés par les adversaires de Claude Bellanger. Après dix ans de lutte, Claude Bellanger a pu épouser Christine Arnothy.
Le fils de Christine Arnothy et de Claude Bellanger, François Bellanger, suivant les traditions de ses ancêtres lillois – tous des magistrats – est avocat, spécialiste des droits européens et professeur en droit administratif à l’Université de Genève.
La collection de presse de Claude Bellanger,
compte environ 80 000 documents (d’un premier exemplaire de Renaudot jusqu’aux très rares exemplaires de la presse clandestine).
Faute d’avoir pu être installée à la Bibliothèque Nationale de France, l’institution manquait de place, elle a été transportée en Suisse. La Fondation Claude Bellanger s’est créée. François Bellanger gère cette collection, périodiquement enrichie de nouvelles acquisitions. Le 15 septembre 1989, le Président de la République française, François Mitterrand, a rendu une visite privée à Christine Arnothy. A cette occasion, il a inauguré la première exposition de la Fondation Bellanger. Il a alors fait l’éloge de Claude Bellanger, grand journaliste, résistant de la première heure, vice-président de l’Agence France-Presse et président de la Fédération Internationale des Editeurs de journaux.
En octobre 2006, la Fondation Claude Bellanger a rejoint le Centre d’archives européennes à Coppet.