Pique-nique en Sologne-1960
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Yvette Gramont, par une chaude après-midi en Sologne, est amenée à révéler le secret des événements qui ont précédé la naissance de son fils Philippe, aujourd'hui âgé de vingt-deux ans. Celui-ci se trouve dans l'extraordinaire position de pouvoir lui-même choisir son père. Et voici que Philippe, entre le père qu'il a toujours connu et le père qu'il rencontre soudain, choisit celui qui lui fait découvrir, comme une véritable passion, l'amitié.
Vieille citadelle toujours assiégée, jamais démantelée, la famille bourgeoise cache encore en ses oubliettes la matière de bien des comédies et de bien des drames. Le talent de l'auteur de J'ai quinze ans et je ne veux pas mourir lui a permis de trouver dans une situation paradoxale l'objet d'un récit plein d'un charme étrange et d'une fascinante sensibilité.
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© Julliard et Christine Arnothy
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- Tu t'en vas par cette chaleur torride ? La voix de Mme Gramont était douce. Ému par cette douceur – toujours la même depuis des années – son mari la prit par la main et l'attira vers lui. - Tu sais que j'aime ce Paris désert du mois d'août. Elle s'abandonna sur son épaule ; pendant un instant, ils furent unis dans leur curieux bonheur, un bonheur équilibré, parfait, hors du temps. Le coeur de Gramont battait d'un rythme régulier ; ce bruit sourd, rassurant, parvenait jusqu'à Yvette comme un lointain tam-tam. Gêné par cette vague de tendresse, il tenait sa femme dans ses bras ; elle était comme un objet précieux, fragile et encombrant. Il la sentait si sensible qu'il n'osait plus bouger. Il pencha la tête seulement et son regard se posa sur les cheveux blonds tachetés de blanc. - Comme tu es blonde ! Il voulait sortir de l'impasse par ce compliment. Elle se dégagea. - Je commence à avoir des cheveux blancs. - Cela n'a rien à voir avec l'âge, répondit-il sans conviction. Mais si tu voulais les teindre, je te donnerais la permission. Elle sourit. - Pour me promener comme un clown avec les cheveux jaunes ? Impossible. Que dirait Philippe ? - Ne soyons pas des esclaves de notre fils. La voix d'Yvette devint encore plus douce : - Je crois que nous le sommes, mon cher Gérard. Depuis son mariage, je souffre comme un chien. Marion est charmante, mais je supporte si difficilement qu'elle ait tout ce qui m'appartenait : le sourire de Philippe, son beau regard bleu, ses lèvres encore enfantines… |
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© Julliard et Christine Arnothy
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Festival du roman, n°56, mai 1962
"D'origine hongroise, Christine Arnothy se réfugie en France après la guerre. Privée de toute ressource, elle se lance dans la carrière littéraire, écrivant dans un français très pur ses souvenirs personnels. Son premier livre : J'ai quinze ans et je ne veux pas mourir, qui obtint en 1954 le Prix Vérité, fut bientôt suivi d'un autre volume d'aventures vécues : Il n'est pas si facile de vivre. Douée d'une grande imagination et d'un sens aigu d'observation, elle écrit ensuite des oeuvres romanesques, dont son dernier roman : Pique-nique en Sologne (Julliard), que nous sommes heureux d'offrir à nos lecteurs."
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© Christine Arnothy
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